Le yoga : une pratique ouverte à tous !
Bonjour à tous,
Je m’appelle Géraldine, j’ai 47 ans, je suis en situation de handicap moteur et je suis co-fondatrice de l’association A Corps de Soi.
A l’occasion de la Journée Internationale du Yoga, j’ai envie de vous faire découvrir cette activité que je pratique régulièrement depuis bientôt 5 ans, grâce à Nathalie, professeur de yoga qui a accepté de nous en dire plus sur son approche inclusive du yoga …
Géraldine : Bonjour Nathalie, peux-tu te présenter ?
Nathalie : J’ai 62 ans, je pratique le yoga depuis l’âge de 19 ans mais je ne l’ai pas enseigné tout de suite, puisque j’ai commencé par enseigner le français. Je suis professeur de yoga à Paris depuis 25 ans.
A la naissance de mon fils, qui est autiste, j’ai démissionné de l’Education Nationale et j’ai fait une pause professionnelle de 8 ans pour me consacrer à lui. Pendant cette période, j’ai continué à pratiquer le yoga. Cette discipline a pris de plus en plus de place dans ma vie et, au fil du temps et des rencontres, j’ai commencé à réaliser que je pourrais en faire mon métier. J’ai donc décidé en 1998 de suivre une formation de 5 ans à l’Ecole Française du Yoga. Dès mon entrée dans cette école, les gens autour de moi m’ont sollicitée pour que je donne des cours, d’abord chez moi puis dans une salle que j’ai louée pour pouvoir accueillir tous ceux qui le souhaitaient.
« Quand on enseigne à des personnes en situation de handicap, il faut constamment se remettre en question, relever des défis et stimuler sa créativité … »
Au début, j’ai donné uniquement des cours à des personnes valides. Puis, en 2005, l’Association des Paralysés de France (APF) m’a appelée car ils cherchaient un professeur de yoga pour leurs adhérents. J’ai donné alors des cours pour la première fois à un public adulte en situation de handicap moteur, deux fois par semaine avec des groupes importants et divers, les handicaps et les capacités physiques de chacun étant très variés. J’ai enseigné à l’APF pendant 10 ans, ce qui m’a permis d’enrichir ma pratique et stimuler ma créativité. Quand l’aventure APF s’est arrêtée, faute de crédits pour continuer, j’ai poursuivi l’enseignement traditionnel du yoga mais, très vite, j’ai ressenti le besoin d’enseigner à nouveau à des personnes en situation de handicap. Parce que, quand on enseigne à des personnes en situation de handicap, il faut constamment se remettre en question, relever des défis et stimuler sa créativité pour être à l’écoute de ses élèves et les accompagner pour qu’ils développent leurs capacités. Et j’adore ça…
Après une courte interruption, la Mairie de Paris m’a rappelée pour donner des cours de handiyoga dans un de leurs centres d’animations. J’y enseigne depuis plus de 5 ans et le cours rencontre un joli succès.
Géraldine : Que réponds-tu à ceux qui disent qu’une personne en situation de handicap ne peut pas faire de yoga ?
Nathalie : Dans le monde du yoga, qui est exigeant et très élitiste parfois, on a mis longtemps avant d’imaginer que des « corps différents » pouvaient pratiquer le yoga et en tirer un bénéfice. Par « corps différent », j’entends les enfants, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Quand on parle de yoga, on a souvent l’image d’une personne au corps parfait qui se contorsionne dans tous les sens à la recherche de la posture parfaite. Et le monde du handicap avait la même image du yoga, ce qui fait que beaucoup de personnes en situation de handicap ne s’imaginaient pas que cette discipline puisse être aussi pour eux puisque souvent, ils ne peuvent pas enchaîner les postures. Mais le yoga ne se résume pas à ça !
« Je reçois toutes les personnes qui veulent suivre mes cours et je m’adapte à chaque individu … Dans le yoga, on cherche surtout un état d’harmonie plus qu’une performance. »
Il y a de plus en plus de passerelles entre le yoga et les différents publics. Moi, je ne mets pas les gens dans des cases (les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées…). Je reçois toutes les personnes qui veulent suivre mes cours et je m’adapte à chaque individu. Même au sein du public dit « valide », il y a pleins d’individus différents (une femme enceinte, une personne dépressive…). Je prends chaque individu en tant que tel et j’ai une pratique intuitive en fonction du public auquel je m’adresse, même si je prépare mes cours et que je pars d’une trame définie à l’avance, bien entendu.
Comme je le disais, le yoga ne se résume pas au travail des postures. Il y a le travail sur le souffle, la méditation, les grands principes tels que la non-violence… Le yoga, selon la lignée à laquelle on se réfère, offre de nombreuses possibilités de développement personnel, ce qui permet de mettre en place des pratiques très personnalisées en fonction de chacun. L’Occident a une vision caricaturale de la pratique du yoga (enchaîner à un rythme soutenu les postures difficiles), mais le yoga n’est pas une performance sportive, c’est bien plus que ça et tout le monde peut y trouver un bénéfice… Dans le yoga, on cherche surtout un état d’harmonie plus qu’une performance. Même quand on ne peut pas faire physiquement une posture, on peut la visualiser, s’imaginer en train de la faire… et ressentir un mieux-être en pratiquant de cette façon.
Géraldine : Est-ce que tu as suivi une formation spécifique pour enseigner aux personnes en situation de handicap ?
Nathalie : Non, je n’ai pas reçu de formation particulière pour enseigner à des personnes en situation de handicap mais ma formation initiale, alliée à mon ouverture aux autres, m’a permis de me lancer. Les formations pour enseigner le yoga aux personnes en situation de handicap, ça n’existait pas quand j’ai commencé à enseigner. A l’époque, il n’y avait quasiment personne qui proposait des cours de yoga aux personnes en situation de handicap. Alors j’ai fait confiance à mon intuition et à ma créativité pour avancer. En plus de ma formation initiale, j’ai fait de la formation continue, j’ai beaucoup lu, je me suis formée seule et j’ai enrichi ma pratique et mon enseignement grâce à l’échange avec mes élèves en situation de handicap, qui m’ont parlé ouvertement de leurs possibilités et de leurs difficultés. Grâce à de solides connaissances techniques, j’ai pu petit à petit leur proposer une pratique adaptée qui leur permette de travailler et de ressentir un mieux-être.
Géraldine : Comment faire si on est en situation de handicap et qu’on a envie d’essayer le yoga ?
Nathalie : Il faut s’écouter et chercher autour de soi ce qui peut exister. A Paris par exemple, on peut s’adresser aux centres d’animations de la Mairie de Paris. En Province, on peut s’adresser à sa mairie pour savoir ce qui existe. Avant même le premier cours, il faut que l’enseignant(e) vous reçoive avec bienveillance, écoute vos attentes, vous dise ce qu’il/elle peut vous proposer. Une fois qu’on se lance dans la pratique, il faut être à l’écoute de son corps, ne pas forcer, ne pas insister avec une posture qui vous fait mal.
L’enseignement du yoga, quel que soit le public, et encore plus avec des personnes en situation de handicap, est une co-construction, on avance ensemble. L’enseignant apporte ses connaissances, son ouverture et sa volonté de proposer des alternatives pour que chacun puisse tirer parti du cours. L’élève, lui, doit se connaître et connaître suffisamment son handicap pour que l’enseignant puisse lui proposer des exercices bénéfiques.
« Dans mes cours, chacun avance avec ce qu’il est, il n’y a pas de notion de performance ni de comparaison… »
Et on ne travaille pas seulement avec les parties du corps qui vont bien. Si l’élève est prêt, on peut très bien remettre de la conscience dans un membre dysfonctionnel. Pas avec l’objectif de rendre ce membre fonctionnel mais pour aller au-delà d’une douleur corporelle ou psychique liée à un membre qui ne fonctionne plus et faire la paix avec son corps, même s’il ne fonctionne pas comme on aimerait.
Dans mes cours, chacun avance avec ce qu’il est, il n’y a pas de notion de performance ni de comparaison. C’est pour ça qu’il m’arrive de proposer à certains de mes élèves en situation de handicap de passer de mes cours de handiyoga vers mes cours de yoga traditionnel (NDLR : ce que j’ai fait). Et ça ne pose de problème à personne, ni à moi, ni à l’élève en situation de handicap, ni aux élèves valides. Car chacun prend dans mon cours ce qu’il peut prendre. C’est pour ça aussi que je ne fais pas de cours selon le niveau. Tout le monde suit le même cours et ça fonctionne. Dans la lignée que j’enseigne, il n’y a ni notion de réussite ni notion d’échec. Chacun fait ce qu’il peut.
Géraldine : Tu as proposé des cours de yoga en visio pendant le confinement. Est-ce que c’est possible de pratiquer le yoga en visio quand on est en situation de handicap ?
Nathalie : C’est mieux en présentiel car on peut mieux voir ce que fait l’élève et corriger éventuellement une mauvaise posture. Ce qui évite de se faire mal, surtout quand on est en situation de handicap. Dans le cadre de mes cours, si la personne se connaît bien et que je la connais bien aussi, les cours en visio sont possibles.
Géraldine : Un dernier mot pour conclure ?
Nathalie : Le yoga est ouvert à tous… A condition de bien choisir son cours et son professeur.
Si vous décidez de proposer à vos adhérents en situation de handicap des cours de yoga sur Paris, je serais ravie de vous accompagner… Je suis convaincue que le yoga peut apporter du bien-être à tout le monde. Moi, ce qui m’intéresse, c’est ce que la personne est au-delà des apparences et de ses limitations réelles ou supposées. Chacun est perfectible, à condition de toujours rester dans la bienveillance vis-à-vis de soi-même et de ne pas vouloir forcer les choses.
D’après mon expérience, mes élèves en situation de handicap, même sévère, ont noté des changements significatifs suite à la pratique régulière du yoga : qualité du sommeil améliorée, baisse des douleurs physiques, plaisir de se réapproprier son corps, amélioration des interactions sociales, meilleure confiance en soi… Et je ne peux qu’encourager tout le monde a essayé…
Géraldine : Merci Nathalie pour cet échange… et à bientôt…
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à nous contacter, nous vous mettrons en relation avec Nathalie.